LE PETIT CHEVAL BLANC QUI COURAIT APRES LE TEMPS
C’est une décision exceptionnelle à plus d’un titre qui a été tranchée par la Cour de Cassation le 8 juin 2017, tout d’abord parce qu’elle concerne la marque prestigieuse Cheval Blanc notoirement connue pour désigner des vins, déposée en 1933 et régulièrement renouvelée depuis lors.
Quarante ans plus tard, en 1973, une propriété viticole déposait la marque nominative « Domaine du Cheval Blanc » suivie, en 2003, d’une marque figurative représentant une tête de cheval harnachée, pour désigner des vins d’AOC provenant de l’exploitation exactement dénommée « domaine de Cheval Blanc ».
Mais ce n’est qu’en 2008 que le titulaire de la marque première en poursuivait l’annulation pour déceptivité, et, à titre subsidiaire, la contrefaçon pour imitation.
Seule la question de l’annulation retiendra notre attention ici, en raison des règles d’application de la loi dans le temps qui veulent qu’en dépit des nombreuses modifications du droit des marques depuis le dépôt de la première des marques querellées en 1973, l’annulation de celle-ci restait régie par la loi qui était en vigueur au moment de son dépôt, c’est-à-dire la loi du 31 décembre 1964, et les règles de prescription antérieures à la réforme de 2008 ayant ramené à cinq ans au lieu de trente le délai de prescription de droit commun.
Or, introduite trente-cinq ans après son dépôt, la question de la prescription de l’action en annulation de la marque de 1973 se posait nécessairement, et plus encore celle du point de départ de cette prescription.
Et cette dernière question n’a jamais été simple en jurisprudence, et surtout, pas souvent débattue.
Autant la jurisprudence était assez unanime à considérer que, faute d’un délai spécial de prescription des actions en annulation de marque, comme il en existe un pour l’action en contrefaçon, c’était la prescription de droit commun qui s’appliquait, c’est-à-dire une prescription trentenaire aujourd’hui ramenée à cinq ans, plus délicate était la question de savoir quel était le point de départ de cette prescription extinctive trentenaire, et, par voie de conséquence, à partir de quand le droit d’agir en annulation de marque devait être considéré comme perdu.
Il faut préciser ici que sous l’empire de la loi de 1964, la forclusion par tolérance, apparue dans notre droit en 1991, et qui permet de déjouer la demande en contrefaçon d’une marque dont on a toléré l’usage pendant cinq ans, n’existait pas. Or, sur ce terrain, la Cour de Cassation avait jugé que la connaissance de l’existence de la marque arguée de contrefaçon ne pouvait se déduire de son seul dépôt, ce qui était un indice.
Mais dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour d’Appel de Bordeaux avait considéré, sur renvoi après cassation, que la prescription des demandes en annulation qui lui étaient présentées avaient pour point de départ le dépôt de la marque seconde, en 1973, de sorte que ces demandes étaient prescrites, balayant des arguments qui nous paraissent très pertinents, et notamment :
- Que le vice de déceptivité ne pouvant être purgé ni par le temps ni par l’usage, doit pouvoir être invoqué par les tiers à tout moment, tant que l’enregistrement litigieux produit ses effets ;
- Qu’aucun délai de prescription ne peut courir à compter du simple dépôt d’une marque, lequel n’est pas de nature à porter à la connaissance des tiers l’existence de la marque ( ce qui n’est pas sans rappeler la solution susvisée rendue en matière de forclusion par tolérance)…
Et la Cour d’Appel de Bordeaux a été approuvée par la Cour de Cassation par son arrêt du 8 juin 2017, en des termes qui laissent peu de place au doute.
Selon la Cour de Cassation, ce n’est pas parce que le vice de déceptivité ne peut être purgé ni par l’usage ni par le temps que l’action en annulation d’une telle marque devrait être imprescriptible.
On observera cependant que dans son arrêt, la Cour de Cassation ne dit pas sur quel texte elle se fonde pour affirmer que le point de départ de la prescription est la date de dépôt de la marque.
Et pour cause : aucun des textes communautaires qui régissent le droit des marques aujourd’hui ne comportent cette précision.
Il reste que trente ans, c’était un délai très long qui peut faire croire à une inaction fautive, et ce ne serait pas la première fois qu’une décision de justice est compréhensible en fait et infondée en droit.
C’est une décision exceptionnelle à plus d’un titre qui a été tranchée par la Cour de Cassation le 8 juin 2017, tout d’abord parce qu’elle concerne la marque prestigieuse Cheval Blanc notoirement connue pour désigner des vins, déposée en 1933 et régulièrement renouvelée depuis lors.
Quarante ans plus tard, en 1973, une propriété viticole déposait la marque nominative « Domaine du Cheval Blanc » suivie, en 2003, d’une marque figurative représentant une tête de cheval harnachée, pour désigner des vins d’AOC provenant de l’exploitation exactement dénommée « domaine de Cheval Blanc ».
Mais ce n’est qu’en 2008 que le titulaire de la marque première en poursuivait l’annulation pour déceptivité, et, à titre subsidiaire, la contrefaçon pour imitation.
Seule la question de l’annulation retiendra notre attention ici, en raison des règles d’application de la loi dans le temps qui veulent qu’en dépit des nombreuses modifications du droit des marques depuis le dépôt de la première des marques querellées en 1973, l’annulation de celle-ci restait régie par la loi qui était en vigueur au moment de son dépôt, c’est-à-dire la loi du 31 décembre 1964, et les règles de prescription antérieures à la réforme de 2008 ayant ramené à cinq ans au lieu de trente le délai de prescription de droit commun.
Or, introduite trente-cinq ans après son dépôt, la question de la prescription de l’action en annulation de la marque de 1973 se posait nécessairement, et plus encore celle du point de départ de cette prescription.
Et cette dernière question n’a jamais été simple en jurisprudence, et surtout, pas souvent débattue.
Autant la jurisprudence était assez unanime à considérer que, faute d’un délai spécial de prescription des actions en annulation de marque, comme il en existe un pour l’action en contrefaçon, c’était la prescription de droit commun qui s’appliquait, c’est-à-dire une prescription trentenaire aujourd’hui ramenée à cinq ans, plus délicate était la question de savoir quel était le point de départ de cette prescription extinctive trentenaire, et, par voie de conséquence, à partir de quand le droit d’agir en annulation de marque devait être considéré comme perdu.
Il faut préciser ici que sous l’empire de la loi de 1964, la forclusion par tolérance, apparue dans notre droit en 1991, et qui permet de déjouer la demande en contrefaçon d’une marque dont on a toléré l’usage pendant cinq ans, n’existait pas. Or, sur ce terrain, la Cour de Cassation avait jugé que la connaissance de l’existence de la marque arguée de contrefaçon ne pouvait se déduire de son seul dépôt, ce qui était un indice.
Mais dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour d’Appel de Bordeaux avait considéré, sur renvoi après cassation, que la prescription des demandes en annulation qui lui étaient présentées avaient pour point de départ le dépôt de la marque seconde, en 1973, de sorte que ces demandes étaient prescrites, balayant des arguments qui nous paraissent très pertinents, et notamment :
- Que le vice de déceptivité ne pouvant être purgé ni par le temps ni par l’usage, doit pouvoir être invoqué par les tiers à tout moment, tant que l’enregistrement litigieux produit ses effets ;
- Qu’aucun délai de prescription ne peut courir à compter du simple dépôt d’une marque, lequel n’est pas de nature à porter à la connaissance des tiers l’existence de la marque ( ce qui n’est pas sans rappeler la solution susvisée rendue en matière de forclusion par tolérance)…
Et la Cour d’Appel de Bordeaux a été approuvée par la Cour de Cassation par son arrêt du 8 juin 2017, en des termes qui laissent peu de place au doute.
Selon la Cour de Cassation, ce n’est pas parce que le vice de déceptivité ne peut être purgé ni par l’usage ni par le temps que l’action en annulation d’une telle marque devrait être imprescriptible.
On observera cependant que dans son arrêt, la Cour de Cassation ne dit pas sur quel texte elle se fonde pour affirmer que le point de départ de la prescription est la date de dépôt de la marque.
Et pour cause : aucun des textes communautaires qui régissent le droit des marques aujourd’hui ne comportent cette précision.
Il reste que trente ans, c’était un délai très long qui peut faire croire à une inaction fautive, et ce ne serait pas la première fois qu’une décision de justice est compréhensible en fait et infondée en droit.