La contrefaçon de marque est constituée par toute atteinte à la marque d’autrui sans son consentement, soit par imitation, soit par reproduction.
Spécialement dans le cas de reproduction, qui suppose que la marque contrefaisante soit identique à la marque déposée, il arrive que cette identité entre les deux signes tienne au fait que les produits argués de contrefaçon sont en réalité des produits originaux.
Très vite, dans les années 1970, la jurisprudence communautaire s’est penchée sur cette question : comment, et sur quels critères, interdire à un opérateur de vendre les produits originaux qu’il a achetés ?
Il s’agissait, au départ, de heurter le moins possible le principe de liberté de circulation des marchandises qui était l’un des quatre piliers du Traité de Rome, ce qui a conduit à une analyse très minutieuse du monopole du titulaire d’une marque.
Pour la Cour de Justice, ce monopole réside dans la faculté pour un titulaire de marque de mettre lui-même ses produits en marché, ou d’autoriser cette première commercialisation par un tiers.
Par la suite, si ce titulaire ne prend pas des précautions qui lui assureront un contrôle sur la revente des marchandises, son droit est épuisé.
Le droit communautaire a synthétisé cette jurisprudence, notamment dans la Directive rapprochant le droit des états membres sur les marques, par une disposition qui prévoit que :
« Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. »
Or, si la commercialisation par le titulaire lui-même ne pose pas de problème particulier, la question de savoir quand on peut considérer que le titulaire à consenti est autrement plus épineuse.
En 2001, par un arrêt Davidoff, la Cour de Justice posait en principe que ce consentement peut n’être que tacite, ce qui serait par exemple le cas d’un titulaire qui commercialiserait ses produits pour la première fois en dehors du territoire communautaire, de sorte que son monopole ne serait pas épuisé, mais avec des conditions contractuelles qui n’interdisent pas la réimportation en Europe.
Depuis près de cinquante ans, chaque jurisprudence consolide un peu plus la notion d’épuisement du droit.
Et récemment, le 19 décembre 2017, la Cour de Justice a analysé l’incidence sur le consentement de la stratégie commune pour la gestion de marques nationales de deux entreprises non juridiquement liées : les actes de l’une sont-ils opposables à l’autre ?
La marque SCHWEPPES est enregistrée en tant que marque nationale dans l’ensemble des états membres de l’Union Européenne et de l’Espace Economique Européen. Il y a donc autant d’enregistrements que d’états concernés.
En 1999, la société Cadbury Schweppes a cédé à Coca Cola treize de ces marques, dont la marque anglaise, conservant les dix huit autres, dont la marque espagnole.
Ces dernières marques sont aujourd’hui détenues par la société Schweppes International qui a accordé à la société espagnole Schweppes SA une licence exclusive sur la marque espagnole.
Mais sur ce territoire, la société Red Paralela a importé du Royaume Uni des boissons portant la marque Schweppes.
Une action en contrefaçon s’en est suivie, et le juge espagnol, constatant que les deux titulaires des marques schweppes, bien que juridiquement indépendants l’un de l’autre, entretiennent des relations étroites pour la définition d’une stratégie commune de gestion de la marque à travers l’espace économique européen, a interrogé la Cour de Justice à ce sujet.
La Cour de Justice répond qu’il existe un lien économique lorsque, après le fractionnement de marques nationales dû à une cession territorialement limitée, les titulaires de ces marques coordonnent leur politique commerciale de telle sorte qu’ils ont la possibilité de déterminer les produits sur lesquels la marque est apposée et d’en contrôler la qualité.
Au-delà des montages juridiques subtils, ce lien économique équivaut à un consentement de nature à anéantir l’action en contrefaçon.
Il y a longtemps que le droit de la concurrence s’attache aux effets des accords ou comportements.
En droit des marques, à notre connaissance, c’est une première salutaire.